Photo J.Y Blouin

Je sors à l’instant de la real Maestranza de Séville et suis encore dans un état étrange de confusion et de peur mêlées.

Je ne sais plus trop que penser de ce que j’ai vu et vécu durant trois heures d’une tauromachie dirigée à la pointe des cornes des pupilles de  Victorino Martin. Le vieux sorcier de Galapagar a bien transmis ses sorcelleries taurines à son fils. Je vais essayer de te raconter cela sans trop entrer dans les détails  qui ne te feront aucun effet.  Qu’aurais tu à faire d’apprendre qua’u troisième toro il y a eu deux ou trois choses sur la corne droite et autant sur la gauche, alors que dès le départ l’atmosphère fut plombée par la blessure du chef de lidia, Manuel Escribano , magnifiquement vêtu de brun très sombre et or.  Ce torero habitué aux Miura et aux Victorino n’allait pas manquer à ses bonnes et courageuses manières : il est allé à la porte du toril recevoir son premier toro.

Photo J.Y Blouin

Sortie hésitante , passage sur le côté, deux , trois quatre lances et le bicho attrape le torero au cinquième passage de Sainte Véronique ! on peut craindre le pire, le maestro se relève , boitille, une cornada dans la jambe droite qui le conduit à l’infirmerie pour , pense t on un long moment.

Photo J.Y Blouin

Borja Jimenez  second de la terna de ce soir prend les outils, s’attaque au toro malfaisant et en tire un assez bon parti. Il salue.

En troisième la figura numero un va devoir affronter toute la soirée la froideur et les sifflets de quelques imbéciles incapables de voir la faena complète que le péruvien a offerte au quatrième, qui méritait une oreille et ne connut même pas une pétition. 

Au toro précédent Borja Jimenez  avait coupé, lui un pavillon bien gagné par deux grandes séries de naturelles lentes et dominatrices  enchainées par des droitières plus rapides sur la course du toro. Ne l’oublions pas, grand toro, grande faena, Borja Jimenez a la trempe d’une lidiador de grande valeur, une envie sans limite, et du courage à revendre.

Photo J.Y Blouin

L’ennui, vois tu, avec ce genre de corrida, c’est la peur qui nous étreint en permanence et le vice de la “mirada” de ces toros gris qui feraient peur aux plus braves.  Décidé à ne pas se laisser impressionner , alors même qu’il torée des Victorinos pour la première fois, Andrès ROCA REY va se taper (pardonne la trivialité du terme) le quatrième qui galope comme un fou, va planter ses pitons dans les planches, 535 kgs et 5ans de force brute.  Roca l’emmène au centre, aux pique  le toro met les reins.  Roca nous offre un quite superbe par chicuelinas ajustées et conclu par une demie de grand style.  Borja répond par un autre quite mais le bicho a vite compris et se retourne plus vite que prévu, danger..Brindis à J A Campuzano, et début d’une belle belle belle ( trois fois exprès! ) faena surtout par doblones très élégants et passes par le bas qui obligent le toro à humilier.  Exercice de dominio parfait  et grande épée. Une ovation sans suite, pas de pétition, et même quatre ou cinq imbéciles sifflent. Sont ils de Gerena? Quel motif les guident t ils ?  

Figure toi que le bruit  a couru , puis l’annonce en a été faite au micro : Escribano va sortir de l’infirmerie avec sa cornada de 10 cm dans la jambe , pour toreer le sixième.

Ambience, tumulte et applaudissements. Manuel revient, en chemise et gilet et demi pantalon coupé aux genoux. Devine ce qu’il fait le bougre ?  Il fait signe au torilero qu’il va aller attendre le fauve à la porte des chiqueros, comme au premier!

Et il y va, s’agenouille, ce beau spécimen fait son boulot de toro agressif et dnas sa petite tête de souris santa coloma brillent deux yeux à vous clouer sur place. Bonne réception au capote, deux paires de banderilles ( Manuel décline la troisième paire, douleur oblige) puis le brindis  à José Luis Moreno déclenche les larmes chez son ancien apoderado, du coup son voisin El Cid pleure aussi.. Tu vois , si la vie n’était pas réellement en jeu, cela tiendrait un peu du melo, mais non , l’heure est grave, pleine d’incertitude, le toro cherche les chevilles,  ce toro est collant se retourne en 1 seconde et Escribano ne peut pas courir.. La Faena sera courte, L’épée entière déclenche le tonnerre, fait perdre la raison a ce bon Fernandez Rey au palco qui sort les deux mouchoirs sans hésiter.

Olé, Roca rey?   qui est ce?  Borja Jimenez, ah oui  une oreille, Escribano : deux oreilles pour l’émotion et l’héroisme.

Tu vois Georges, ya des jours, je sais pas pourquoi, j’ai l’impressions de ne plus rien comprendre , ou alors de trop bien  comprendre.

Ton vieil ami,

Jean François Nevière

Pour mépoire : Escribano  brun soudanais et or, Borja Jimenez Pervenche et or, Roca Rey coq de roche et blanc nacré. 

Lleno de no hay billetes, grand beau temps.