Par Jean François Nevière président de Mexico Aztecas y Toros

La vieille diatribe sur les devoirs et pouvoirs des présidences taurines ne cesse d’empoisonner le débat. Il existe de nombreux, trop nombreux exemples d’injustice et de non- respect du règlement qui veut que définitivement la première oreille d’un toro si elle est réclamée par le public de façon indéniablement majoritaire soit octroyée sans barguigner par le président.  Libre à lui de porter sur les gradins un regard circulaire plus ou moins dubitatif selon qu’il aime ou n’aime pas soit le torero soit la faena qui vient d’être accomplie, si le public majoritairement réclame des trophées, le premier lui appartient et la présidence doit faire couper le premier pavillon. 

L’enthousiasme général que signifie la persistance des ovations pour obtenir la deuxième oreille est davantage sujette à caution et on dit que cette seconde oreille est celle de la présidence. Soit. 

Un cas d’espèce nous a été offert hier à Valence lors du troisième toro. Brave, toro bien fait et piqué sans excès, ce qui a pu faire croire à un manque de bravoure, ce toro a si bien livre combat qu’il est utile de rappeler que la bravoure ne s’exprime pas seulement à la pique mais aussi dans le capote en rechargeant sans cesse, aux banderilles en poursuivant les toreros de plata et à la muleta en allant, et c’était le cas hier, “a mas” jusqu’à l’épée reçue en chargeant le matador. Forte demande d’indulto que le président refusa… il en avait le droit absolu et   on ne lui fera pas reproche de cette sévérité. 

Mais je voudrais prendre un exemple qui devrait faire école : l’an dernier à Las Ventas lors de la corrida de Victoriano del Rio sortit un toro extraordinaire, avec force, durée, genio, pitons à épingler un papillon sur la talanquère, et en face de lui, en souvenir du Yiyo un magnifique Roca Rey qui avait pris le costume bordeaux et Azabache que portait le yiyo à Madrid lorsque… Hommage donc, arrière-plan d’héroisme, envie d’honorer José Cubero, mort pour et par les toros. 

La faena du premier toro s’était bien passée et Roca avait coupé une oreille de poids. A son second donc, se profile l’ouverture possible de la Puerta Grande pour le péruvien, s’il coupe une autre oreille. 

Pendant la faena de muleta un hurluberlu du tendido 7 l’invective alors même que Roca Rey se joue littéralement la vie, croisé on ne peut plus dans le berceau des cornes de ce grand toro, le matador montre son épée et tourne la tête vers l’hurleur. 

Se sentant insulté sans motif et avec le pundonor qu’on lui connait, Andrès RR continue une faena d’extrême engagement, tant et si bien que le toro le prend sous la jambe, le jette en l’air, le torero retombe entre les cornes et le toro le secoue dans tous les sens coups au ventre, roulade, ses compagnons de cartel, el Juli et Talavante accourent, le maestro reprend l’épée, mete y sacca et une demi-lame concluant très vite ce qui manqua d’être une tragédie… Yiyo tu as vu ça de là-haut. 

Le public hurle “TORERO TORERO, demande l’oreille à la quasi-unanimité, ferveur et admiration, peur conjurée mêlées. 

Que croyez-vous qu’il arriva ? 

Le président, avec la morgue d’un petit dictateur pâlot et le regard d’un poisson mort fit vite un geste à l’arrastre pour enlever la dépouille du toro. 

Voilà le double exemple de l’injustice et du mépris. 

Primo il ne voulait pas donner cette oreille parce qu’elle ouvrait la Puerta Grande au Numero1 mondial 

Secundo il devait jouir, ce malheureux, de son pouvoir discrétionnaire quand 24000 personnes debout criaient leur admiration, en refusant d’accéder à leur droit le plus strict. 

Depuis quelques années on assiste de plus en plus de la part de sociétés taurines à des colloques visant à former les présidents et à les rendre plus compétents.  Est-ce là le résultat de ces formations qui amènent autant de ratés, de refus ? 

Le palco n’est pas là pour sanctionner mais pour assister au bon déroulement de la fiesta, avec deux alguacilillos pour maintenir l’ordre. 

Il y a dans l’escalafon actuel, et à des grades assez élevés, deux ou trois toreros dont je ne raffole pas, pour des motifs que je pourrais défendre, mais, moi président (comme disait l’autre), j’oublie cette dilection plus ou moins grande et si le public, dans sa majorité demande l’oreille, je la lui donne, sans hésitation. 

 Je crois vraiment que c’est ce que devraient faire toutes les présidences, qu’elles fussent de Madrid, de Vic ou d’ailleurs. 

Et ce ne serait que justice. 

Jean François Nevière