
Jerez quatrième et dernière de la féria del Caballo. Lleno de no hay billetes.
6 toros de Jandilla, le sixième, ‘Labriego’ nº141, 520 kilos, né en 01/21 sera gracié.

MORANTE DE LA PUEBLA, silence et une oreille avec pétition de la seconde.

ALEJANDRO TALAVANTE, deux oreilles et oreille.

• ANDRÉS ROCA REY, silence et deux oreilles symboliques.
Les banderilleros ‘Viruta’ et Paquito Algaba ont salué au troisième. Antonio Chacón au sixième.

Le soir tombait, les hirondelles plongeaient sur le coso, dessinant leurs arabesques. Nous n’en pouvions d’enthousiasme, de joie, d’admiration… se levèrent alors quelques mouchoirs et quelques cris d’indulto puis, bientôt, la plaza entière blanchit de pañuelos et ce fut un cri en faveur de la la grâce unanime. Alors du palco tomba le mouchoir orange et le brave « Labriego » sauva sa peau. Roca le mena tranquillement à la porte du toril qu’il franchit sans se faire prier pour rejoindre les verts pâturages de la dehesa et les vaches promises.
Cet épilogue glorieux d’une féria historique fut scandée par les palmas por bulerias qui firent frissonner les murs de la vieille plaza et chavirer les cœurs les plus endurcis. Bientôt la jeunesse jerezana descendit des tendidos et se précipita sur le sable pour accompagner le héros venu du Pérou dans la vuelta du triomphe, partageant avec lui instant de sa gloire.
Le lot de Jandilla inégal dans sa présentation avait néanmoins plus d’allure que celui de la veille. Au moral il y eut trois excellents éléments les seconds, cinquièmes et sixièmes. Le premier s’arrêta après deux piques sévères (avec batacazo), le troisième noble mais soso, le quatrième avait du genio.
On ne pensait pas Morante capable d’un doublé après le sommet de la veille. Il l’a pourtant frôlé et s’il n’a pas obtenu une nouvelle grande porte, on le doit au manque de sensibilité du palco, trop économe cette fois. Car sa seconde faena fut un modèle du genre, bâtie d’une autre manière que le chef d’œuvre de la veille. L’opposant avait son quota de vices cachés que le cigarerro sut parfaitement dominer pour bâtir un ensemble fluide, luieux, à màs. Il s’appuya sur la corne droite de l’animal, la plus amène, le conduisant au centre où il effectua l’essentiel de labeur, terminant (mais oui !) par un recibir qui certes ne fut pas parfait (une demie lame) mais concluant. El de La Puebla est dans un grand moment: décidé, créatif, expérimenté, il incarne le toreo idéal comme il l’a largement montré à Jerez.
Tout autre chose avec les manières de Talavante qui chauffa la salle lui aussi lors de son premier passage. L’excellent opposant de Jandilla lui permit de montrer sa facette la plus agréable: son côté vif-argent, ce goût de l’improvisation, ses clins d’œil au public sans racolage, mais avec un sens du rythme, une désinvolture plaisante. C’est un séducteur patenté et on oublie dans ses bons jours (s’en fut un) les quelques facilités qu’il se donne. Il tua le cinquième en deux fois.
Andrés Roca Rey n’a pas manqué sa présentation jerezana et le public porta le Péruvien, sans ces acrimonies, ces réticences iniques qui pèsent sur les épaules du jeune péruvien. Dans ce climat de confiance, le jeune péruvien se donna au maximum à la cape par véroniques, saltilleras et gaoneras puis à la muleta face à l’ultime. Faena importante bâtie de manière lucide en citant de loin à genoux pour débuter puis raccourcissant le terrain et se plantant dans les cornes où il excelle là où personne ne va (sauf lui !). Le toro répondant avec classe à ses avances, Andrés enchaîna les circulaires inversées, les arrucinas hallucinantes, les improbables changements de mains. Toujours dans les cornes avec une absolue sincérité à laquelle le public se rendit.
Ainsi, le chercher à tout prix, par la force de son indomptable courage, le lion de Quito sauva la vie de « Labriego »…
Pierre Vidal