Nouveaux indultos hier en Espagne. J’en ai repéré deux dont un par Talavante qui au coupé deux oreilles et la queue symboliques à Villanueva del Arzobispo d’un toro de Capea. Si mes comptes sont bons il n’y a eu que trois indultos en France depuis le début de la temporada, dont un seul, à Béziers avec un toro de Margé, a fait polémique. Ailleurs le mouchoir orange -dont tous les présidents sont dotés en montant au palco- est tombé sans que personne ne critique cette “chûte”. On voit donc du point de vue quantitatif que le débat reste très théorique car -sous réserve d’inventaire-, le nombre d’indultos ne semble pas avoir augmenré ni en France ni en Espagne. C’est un chiffre stable et infinitésable si on le compare aux nombre de toros lidiés (en hausse cette année). Moins de 0?5% pour donner un order d’idée et quasi inexistant dans les arènes de 1ère catégorie Néanmoins puisque la discussion existe poursuivons-là dans un esprit d’ouverture et de tolérance avec cet excellent article de notre ami Jean Yves Bloin sur son site facealacorne.fr.

PV

Cobradiezmos, toro de Victorino Martin, n°37 lidié à Séville, par Manuel Escribano, le 13 avril 2016. ©JYB archives

En 25 années d’aficion, j’ai assisté à une trentaine d’indultos. Pour la plupart ils ont été contestés même s’ils ont procuré beaucoup d’émotions au public qui s’est enthousiasmé: l’exemple le plus typique est celui du toro de Parladé gracié à Nîmes alors qu’il avait sauté au callejon et été ménagé à la pique, mais la gestuelle de Jose Tomas à ce toro avait emporté la décision d’un palco généreux.

Jose Tomas entame un pecho devant Ingrato n°31 de Parladé à Nîmes le 16 septembre 2012. ©JYB archives

A la réflexion, le seul Indulto qui m’ait semblé justifié a été celui de Cobradiezmos, n° 37 de Victorino Martin indulté en 2016 à Séville après sa lidia par manuel Escribano. D’ailleurs, la principale justification de cet indulto est que nombre de ses fils ont été brillants et récompensés (oreilles, vueltas) ces dernières années.

Mais plusieurs éléments récents viennent remettre la question de la grâce du toro sur le tapis de la discussion: il y a d’abord eu ce communiqué de la Fédération des Sociétés Taurines de France sous la plume de Daniel Garipuy:

Les indultos et la mort de la corrida.

Le RTMF mentionne l’indulto dans 2 articles, le 73-10 et surtout le 84 : “la grâce peut être accordée si le taureau a eu un excellent comportement dans les trois tiers“. L’ancienne mouture précisait “notamment en prenant les piques avec style et bravoure“.

Au-delà des aspects réglementaires la multiplication des indultos en Espagne (mais aucun dans les arènes de première catégorie) et malheureusement presque partout en France pose un problème majeur.

Sans la mise à mort le rite et le sens profond de la corrida sont perdus

La seule justification de l’indulto doit demeurer celle de préserver comme reproducteur un taureau absolument exceptionnel tout au long des trois tiers, un taureau puissant, brave, mobile, encasté. La grâce doit être rarissime à l’inverse des excès actuels qui ouvrent la voie, même si leurs auteurs n’en ont pas conscience, à une corrida qui dépourvue de la suerte suprême n’en serait plus une.

Nous devons dénoncer avec vigueur les excès actuels. C’est un combat essentiel à mener sans concession, en sachant qu’il va à l’encontre des intérêts des matadors, des éleveurs et des empresas.

Une proposition simple permettrait vraisemblablement de limiter le nombre des indultos : en l’absence de mise à mort, puisque la lidia n’est pas allée jusqu’au bout, pas de trophées pour les matadors hormis une vuelta al ruedo.

Daniel Garipuy

J’aime beaucoup la proposition finale de Daniel Garipuy: pas de trophées pour le torero: certes il s’est montré a gusto avec un grand toro, mais la grâce est accordée aux qualités du toro et non à celles du torero. Mais revenons à la base, c’est à dire au règlement taurin. Il aborde la question dans 2 articles qui ont été modifiés dans la nouvelle version qui vient d’être publiée et qui est analysée par l’excellent site tertulias.fr:

Article 72 Alinéa 10

Ancien règlement : Aucun toro ne pourra obtenir la vuelta al ruedo (tour de piste post mortem) ou l’indulto (grâce du président) s’il n’a pas fait preuve d’une bravoure suffisante à la pique.

Cobradiezmos, n°37 de Victorino Martin, poussant sous la pique de Chicharro, picador d’Escribano, à Séville, le 13 avril 2016. ©JYB archives

Nouveau règlement : Pour obtenir les honneurs de la vuelta posthume ou l’indulto (grâce), le taureau devra avoir démontré sa bravoure lors des trois tiers.

Commentaire (de tertulias) : Rééquilibrage entre les trois tiers pour accorder une vuelta ou indulto. Le toro ne pourra faire la vuelta ou obtenir la grâce sans démontrer sa bravoure lors des deux derniers. Comment définit-on et mesure-t-on la bravoure au second et troisième tiers?

Rajoutons à ce commentaire: Le problème des indultos à répétition est d’abord que le public qui crie ou agite ses mouchoirs a oublié ce qui s’est passé au premier voire au deuxième tiers. C’est l’honneur des présidents de résister à cette pression, même si certains ont avoué avoir cédé par crainte d’un déferlement de violence.

Article 85

Ancien règlement : Lorsqu’un animal aura mérité d’être gracié en raison de son excellent comportement dans toutes les phases du combat sans exception, notamment en prenant les piques avec style et bravoure, le Président pourra dans les circonstances qui suivent, accorder cette grâce afin que l’animal puisse être utilisé comme semental après les soins nécessités par son état physique et ses blessures, et participer ainsi à la préservation et l’amélioration de la race et de la caste de l’espèce.(…).

Nouveau règlement : Lorsqu’un taureau a mérité́ la grâce en raison de son excellent comportement dans les trois tiers de la lidia, le Président peut l’accorder afin qu’il puisse être utilisé comme reproducteur et participer ainsi à l’amélioration de l’espèce. (…).

Naturelle de Manuel Escribano à Cobradiezmos, n°37 de Victorino Martin, à Séville le 13 avril 2016. ©JYB archives

On peut contester ce nouveau règlement trop imprécis même s’il mentionne le comportement dans les 3 tiers. Là encore c’est le rôle du torero qui devient primordial, d’autant qu’il participe ou provoque la demande de grâce, au détriment de la bravoure et de la caste du toro. Rappelons aussi que l’usage veut que l’avis de l’éleveur soit demandé avant de sortir le mouchoir orange. On a vu des éleveurs demander l’indulto pour préserver une lignée qui allait disparaître de leur élevage (Margé à Béziers cette année); mais on en a vus aussi refuser l’indulto, car le toro gracié n’apportait rien comme semental à leur élevage; on en a vus aussi qui après le retour du toro à la ganaderia, le faisaient discrètement conduire à l’abattoir car l’indulto, synonyme de publicité, permet d’augmenter ses prix pour la temporada suivante..

Reste que d’autres discussions sont dans l’air et d’autres propositions s’installent: le nouveau projet de règlement régional de Castilla y Leon fait preuve d’originalité:

Une nouveauté concernant l’indulto est proposée. Lorsque la grâce est demandée, le président suspend le temps de la faena et demande l’entrée du picador de turno. Le toro reviendra alors au cheval et le président décidera de sortir ou non le mouchoir orange.

C’est remettre la bravoure et la caste au centre de la décision d’indulto ce qui va dans le bon sens (avec un seul inconvénient rallonger encore la durée des corridas, mais dans ce contexte, il n’a que peu de poids..)

A suivre…

J.Y. Bloin in http://facealacorne.fr