Le matador Rafael Soto Moreno, connu universellement sous le nom de Rafael de Paula, est décédé à l’âge de 85 ans à son domicile de Jerez de la Frontera, d’où il n’était pas sorti depuis plusieurs jours. Né dans le quartier gitan de Santiago à Jerez de la Frontera le 11 février 1940, Rafael de Paula a été l’une des figures les plus charismatiques de l’histoire de la tauromachie. Un maître qui est devenu un torero culte pour plusieurs générations grâce à son art, son élégance et son caractère unique face au toro.

Il a fait ses débuts à Ronda, en mai 1957, dans une arène qui, des années plus tard, serait également le théâtre de sa consécration. Trois ans plus tard, en 1960, il reçut son alternative dans cette même arène, des mains de Julio Aparicio en présence d’Antonio Ordóñez. Sa confirmation à Madrid eut lieu en mai 1974, avec José Luis Galloso, originaire de El Puerto, comme parrain. Le taureau de la cérémonie s’appelait « Andadoso », provenant du élevage de José Luis Osborne. Sa carrière, marquée par des hauts et des bas et par une relation presque mystique avec l’art, a été considérée comme l’une des plus singulières du XXe siècle. Il se retira des arènes le 18 mai 2000, après une corrida émouvante à Jerez, sa ville natale, au cours de laquelle il ne tua pas ses deux taureaux et se coupa la coleta.

Il fut une véritable icône dans l’arène comme dans la société espagnole incarnant une sorte de vérité paradoxale sur le sable comme dans la vie. Héritier direct de Blemonte sous la houlette duquel il apprit à toréer, il fut un exceptionnel éxécutant du toreo de capote notamment de la véronique et particulièrement de la demie véronique. Handicapé par de graves blessures aux jambes, il n’avait pas les moyens de pratiquer un toreo de défense et ne faisait que peu de cas de la technique privilégiant l’art et la recherche esthétique. Il fallait pour cela un toro qui lui convienne chose rare et qui éclaire les nombreux échecs qui ont ponctué sa carrière.

Moins célébré que le sévillan Curro Romero qu’il accompagna souvent au paseo, cette grande figure de Jerez représente l’enchantement du génie andalou, la magie de la tauromachie dans sa beauté, l’inattendu dans ses sentences comme dans son comportement dans la vie civile. Il était dans la vie une sorte de bohème porté à son paroxysme et son art avait un aspect baroque bien que s’inscrivant dans les canons de la tauromachie. Il était inimitable dans son toreo comme dans ses répliques aux journalistes qui le solliciatait souvent. Il incranait l’âme gitane dans sa profondeur, son bon sens, son amour du paradoxe.

Il n’y aura pas deux Rafaël de Paula et ceux qui l’ont vu dans ses déroutes comme dans ses triomphes ne pourront oublier ce style déroutant et enjoleur. Si on considère que ce qui fait la différence dans la tauromachie c’est la personnalité, Rafaël est par sa présence, sa séduction, ses saillies inattendues, une sorte de modèle.

Un torero culte oui ! Il nous quitte et c’est triste !

Pierre Vidal

PS Rafael de Paula sera inhumé dans le quartier où il est né, le quartier de Santiago à Jerez de la Frontera. Le mardi 4 novembre, une messe funéraire sera célébrée dans l’église de Santiago, avant que le Jerezano ne reçoive une sépulture au cimetière Nuestra Señora de la Merced à Jerez. Jusqu’à cette date, le corps de Rafael de Paula est visible au Tanatorio Mémora de Jerez. La mairie de Jerez a mis les drapeaux en berne et a décrtété trois jours de deuil.