La Fondation Taurine présidée par Victorino Martin connu pour sa prudence et sa modération, vient de s’exprimer aujourd’hui sur la situation très grave que traverse la tauromachie en Espagne (cf. notre article « La resaca »). Cela fait suite à une nouvelle ILP (projet de loi) présentée ce matin au Cortés (l’équivalent de l’Assemblée Nationale Espagnole) qui tente d’affaiblir la corrida en enlevant le blindage de l »UNESCO et en donnant le pouvoir de l’interdire aux Communautés autonomes (l’équivalent de nos régions). :

  1. L’objectif de l’ ILP pour la Censure de la Tauromachie, qui bénéficie du soutien de plus de 600 000 signatures, est de permettre un débat sur chaque territoire quant à la possibilité de modifier, voire d’interdire, la tauromachie. Il s’agit, à notre avis, d’une question extrêmement grave pour notre modèle actuel de coexistence démocratique.
  2. Cette ILP pour la Censure de la Tauromachie propose un concept d’« élargissement des libertés des Communautés Autonomes », alors qu’en réalité, elle prône la liberté d’interdire aux territoires. En d’autres termes, cette proposition vise le contraire de la liberté : elle vise à donner aux pouvoirs publics d’un territoire la liberté d’interdire les expressions culturelles que les politiciens au pouvoir à un moment donné n’apprécient pas.
  3. Cette ILP vise à permettre à un gouvernement de décider ce qui constitue ou non la culture sur ce territoire. Nous considérons qu’ouvrir la voie à la censure de la corrida proposée par l’ILP est totalement totalitaire et, bien sûr, inconstitutionnel. Cela reste vrai que l’initiative soit soutenue par dix mille ou dix millions de signatures.
  4. Car il n’existe aucune liberté, en démocratie, de censurer la culture. Il n’existe aucune liberté, en démocratie, pour une prétendue majorité d’écraser la culture d’une prétendue minorité. Cependant, tous les pouvoirs publics ont l’obligation constitutionnelle de préserver et de promouvoir la culture.
  5. Toute la culture. La majorité et la minorité. Celle qui plaît à la majorité et celle qui plaît au moins. Celle qui ne dérange personne et celle que certains abhorrent.
  6. La loi 18/2013 du 12 novembre, portant réglementation de la tauromachie en tant que patrimoine culturel, n’est pas ce qui fait de la tauromachie une culture.C’est l’inverse : la tauromachie étant une réalité culturelle indéniable, la loi la reconnaît. Mais la nature culturelle de la tauromachie est antérieure à sa reconnaissance légale.
  7. La loi sur la censure de la tauromachie (ILP) cherche à semer la division dans chaque ville, chaque province et chaque communauté autonome. Ils veulent que nous entamions des débats interminables qui nous dressent les uns contre les autres sur chaque territoire, car ils veulent que nous soyons ainsi, en désaccord, chacun dans un fossé toujours plus profond. Cette ILP (Loi sur la censure de la tauromachie) sème la discorde et la confrontation.
  8. Que cette ILP (Loi sur la censure de la tauromachie) soit simplement débattue au Congrès nous dégrade en tant que société. Que certains partis politiques considèrent même possible de discuter de la possibilité pour une éventuelle majorité d’exterminer la culture d’autrui est terrible, un échec pour une démocratie.
  9. Parce que la culture ne peut pas être censurée. Aucune. Si elle ne viole pas les droits humains, toute expression culturelle est légitime. Que cela nous plaise ou non. Que nous partagions ou non leurs expressions et leurs valeurs.
  10. Le contraire nous terrifie. Cela nous terrifie en tant que passionnés de tauromachie, mais surtout en tant que citoyens d’un État démocratique convaincus qu’aucune majorité ne peut imposer sa religion, sa culture, son idéologie ou sa vision du monde aux autres



P.S.

L‘ILP pour la Censure de la Tauromachie réalise le parcours normal de toute initiative populaire qui parvient à rassembler plus de 500 000 signatures. Après traitement par la Commission Culture, la proposition sera envoyée à la séance plénière du Congrès des députés pour décider de prendre ou non en considération cette initiative populaire.

Dans le cas où le Congrès voterait en faveur de la prise en compte de l’ILP sur la censure de la tauromachie, la proposition serait renvoyée à la Commission culturelle du Congrès pour être traitée comme loi, ouvrant ainsi une période d’amendement.

Une fois la rédaction de la proposition terminée, elle reviendra au Congrès pour l’approbation définitive ou non de la loi qui abrogerait la loi 18/2013, du 12 novembre, pour réglementer la tauromachie comme patrimoine culturel.

L‘ILP « Ce n’est pas ma culture » a été présenté à la Commission Culture du Congrès dans le but d’abroger la loi qui réglemente la tauromachie comme patrimoine culturel de l’Espagne.

Dans cette première étape, la plateforme, qui n’a pas qualifié la question d’interdiction, a défendu qu’il s’agit d’une récupération de pouvoirs pour les autorités régionales et municipales, celles-ci étant celles qui décident si elles veulent ou non célébrer des fêtes taurines. Un argument qui cherche à détourner l’attention de l’objectif final recherché : l’interdiction.

Au cours du débat, les groupes PP et Vox se sont prononcés en faveur de l’inscription de la tauromachie comme patrimoine culturel de l’Espagne, tandis que le PSOE a ouvert la porte au dialogue et a montré sa considération pour la proposition qui « doit être prise en considération » car il ne s’agit pas « d’une interdiction, mais plutôt d’une régulation des pouvoirs ».

De leur côté, Junts, ERC, Bildu, PNV, Podemos et SUMAR ont manifesté leur soutien à l’initiative, en essayant de lier leurs arguments contre la tauromachie à l’extrême droite et au « casposo », démontrant une méconnaissance totale et inquiétante de la réalité de la tauromachie. « Des taureaux sont combattus sous le nom de féministes ou nigérians. Cela arrive. Il y a une partie de la tauromachie qui se positionne sur des positions d’extrême droite», a déclaré le député Sumar.