
« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » disait Lamartine. Et cette vérité du poète se vérifie cette saison pour les aficionados français. Pas une seule de nos grandes arènes ne programmera celui qui révolutionne la tauromachie mondiale rameutant derrière lui toutes les générations et secouant le cocotier en déclenchant un tsunami partout où il passe, j’ai nommé Morante de la Puebla.
Après ses deux triomphes successifs de Jerez ce fut Madrid pour une soirée délirante avec blocage de la calle Alcala, les fans obligeant le cigarrero à sortir sur le balcon de l’antique Wellington. Puis le miracle, se répéta à Avila, Tolède, Salamanque et, hier encore à Grenade. Salle comble à tous les coups avec en pensée intime, ce que l’on disait pour Manolete : « pressez vous de le voir cela ne durera pas… ». Souhaitons au torero de La Puebla une issue moins amère que le martyre du Cordouan.
Même le pointilleux critique du « Pais », journal de centre-gauche, Antonio Lorca, a pris fait et cause pour l’andalou passant ses engagements pour « Vox » par pertes et profits. Morante c’est Jésus ressuscité, la renaissance du toreo éternel qui fait la nique aux prétentions guerrières d’un Peruvien car, un Péruvien numéro un, c’était le monde à l’envers, l’inversion des valeurs et plus encore de l’histoire taurine ontologiquement espagnole. M’est avis quand même qu’Andrés n’a pas dit son dernier mot…
Mais bon, l’icône ne franchira pas les Pyrénées car comme Saint Thomas il nous faut ici voir pour croire… Le pays de la Raison, de Descartes, ne fait pas bon ménage avec celui du duende, de Lorca. Nous devrons donc, en pénitence, nous rendre à Azpeitia, Santander, Bilbao (?), Saint Sébastien (?) et sans doute Saragosse (?).
» Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé «
L’Isolement; Alphonse de Lamartine