Juan del Alamo, le torero de Ciudad Rodrigo, a laissé de très bons souvenirs en France même s’il a disparu des cartels. Ce fut un novillero puntero puis un matador apprécié des aficionados du sud-ouest notamment. Après des désillusions, des échecs aussi, des problèmes avec ses apoderados successifs, Juan revient cette année mené par l’ancien matador salmantino Lazaro Carmona. Nous avons pu voir lors d’une récente tienta la qualité de son toreo qui a gagné encore en vérité et en profondeur. Nous l’avons interrogé avant son rendez-vous de la Copa Chenel [Villa del Prado (Madrid). Toros Monte la Ermita y Pablo Mayoral para Juan del Álamo, Alberto Durán et Francisco José Espada ; télévisé en direct sur https://www.telemadrid.es/emision-en-directo/]

Photo JY Blouin

-Pourquoi ce retour, Juan ?

-J’ai cessé de toréer l’an dernier parce que les circonstances étaient compliquées. J’étais sans apoderado en début de temporada. J’ai dû négocier seul avec des arènes comme Madrid ou Pampelune ça ne s’est pas fait. J’étais un peu déçu et j’ai donc décidé de m’arrêter un moment. Je n’ai donc pas toréer l’année dernière sauf deux festivals. J’ai senti à ce moment-là que la flamme ne s’était pas éteinte. Qu’elle restait bien vive. Je veux revenir car je sais que j’ai encore beaucoup de choses à dire. Je suis un torero jeune j’ai encore beaucoup à démontrer, à interpréter dans cette profession.

-“Beaucoup de choses à dire”, quel sens cela a ?

J’ai beaucoup de choses à dire car je ne suis pas un torero « qui a touché le toit ». Je me vois mieux que jamais. Je me sens plus décontracté face au toro plus à l’aise : à chaque muletazo je veux donner cette profondeur qu’autrefois, en raison de la jeunesse de l’impétuosité, je n’atteignais pas. Mais l’essentiel c’est de conserver ce qui faisait ma personnalité : l’engagement, la raza, ma griffe…  Au long de ces années j’ai acquis plus d’expérience mais j’ai gardé mes qualités premières ce qui contribue positivement à ma manière de sentir et d’exécuter le toreo.

Ph. JY Blouin

-Quels souvenirs gardes-tu de la France ?

De la France je n’ai que des bons souvenirs sauf deux : d’abord celle de la mort d’un compañero, une grande figure du toreo, que l’on ne peut pas oublier qui reste dans l’esprit. Cela fait la grandeur de notre profession il faut l’avoir en tête : c’est un métier de vérité. C’est un souvenir amer, mauvais, triste que je ne pourrais jamais l’oublier car ce fut une tarde où je toréais, c’était mon toro. Il faut conserver ce souvenir avec fiertél et toreria car cela représente ce que nous sommes nous les toreros : nous ne devons pas perdre l’essence de ce que nous sommes, que nous sommes capables de faire ce que très peu de gens peuvent faire. L’amertume liée au drame de Fandinõ est terriblement triste… Je ne peux pas l’oublier je ne veux plus en parler ! Mon amertume est liée aussi à ce toro qui rentra vivant aux corrals de Vic-Fézensac. Cela a blessé ma fierté de torero ; mon amour-propre car j’ai beaucoup d’amour-propre.

JY Blouin

-Pourquoi cette incapacité à tuer l’animal ?

Je ne le sentais pas ; d’aucune manière. Un toro de Pedraza de Yeltes très exigeant. La corrida a été dure et le toro difficile. Je me rappelle que je me suis profilé pour tuer et… (pfft) je ne voyais vraiment pas comment y arriver. Il me regardait… il me regardait d’une manière…

-Ce toro t’a sorti de la profession ?

On ne peut pas dire que ce toro m’ait sorti de la profession car l’année suivante j’ai failli couper une oreille à un toro en Vista Alegre, j’en ai coupé 3 à Tudela et je suis tombé sur une corrida de Garcigande à Trujillo, des cinqueños qui eurent des comportements de toros de cinq ans… avec beaucoup de sentido. Ce fut la dernière fois que j’ai porté le costume de lumières. Je n’ai pas de mauvais souvenirs de cette temporada mais la suivante est mal partie. Il y a des moments quand quelqu’un ne voit pas les choses clairement, qu’il ne peut pas se donner à cent pour cent où il faut savoir s’arrêter. Il ne faut pas tromper les autres ni se tromper soi-même. J’ai alors décidé de m’arrêter il faut reconnaître que l’on ne m’a pas appelé beaucoup. J’ai décidé de stopper et je crois que j’ai bien fait. Maintenant j’ai beaucoup d’espoir pour le présent comme le futur. J’ai beaucoup d’envies. Un gros moral. Avec de nombreux projets. Des choses en discussion et cette tarde de la Copa Chenel ce samedi sera très importante pour la suite.

Itw Pierre Vidal